Opinion

L'odeur de l'été

le mercredi 20 juillet 2016
Modifié à 0 h 00 min le 20 juillet 2016
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Voici le billet du 20 juillet d'Hélène Gingras.

J'ai réalisé seulement récemment pourquoi j'aimais tant le camping. Parce que je ne le pratique plus vraiment. Ça se résume à peu de choses: dormir dans la nature pour humer l'air frais à pleins poumons. J'adore me coucher et me réveiller avec l'odeur du sapin ou de l'épinette. Et même rêver en respirant ces effluves enivrants. Celle de l'arôme des arbres. Des fleurs. Et je ne sais quoi encore. 

Tel un chien, mon nez est sur-stimulé. Je n'en finis plus de prendre des grandes respirations. Inlassablement.

Invariablement, les parfums sont plus forts après la rosée, le soir ou à l'aube. De même qu'après la pluie. Tout est amplifié. Bonifié.

À chaque bouffée, j'essaie de mémoriser l'odeur. D'enfermer 1000 épinettes et autant d’autres parfums subtils dans mon nez. En vain. 

Je plains ma petite nièce (mon p'tit chat) qui ne sent rien… 

Au fur et à mesure que je quitte la ville pour me rendre en Estrie, je me fais prendre au jeu. Parce que j’ai oublié. Puis, je suis happée soudainement par l'odeur de la nature. Immanquablement. Il suffit que les fenêtres de la voiture soient ouvertes pour que je que je succombe. 

Pour en tirer le maximum de plaisir, il faut généralement délaisser l'autoroute 10. Et emprunter des routes un peu plus tranquilles. Sinueuses. Qui passent par un cours d'eau. Près d'une montagne. D'un champ de fleurs. 

Parfois, l’odeur enivrante ne dure qu’une fraction d’une seconde. Je dois revenir sur mes pas pour prendre une deuxième respiration. Tant l’effluve se répand à un endroit précis seulement.

Inévitablement, je pense au Labrador décédé de ma sœur. Qui hurlait d'impatience lorsqu'elle allait le mener en pension à Saint-Bernard-de-Lacolle. Étendu calmement sur le siège arrière pendant la première partie du trajet, il se mettait à s'énerver à quelques kilomètres de la sortie 6. Parce que sa truffe se mettait à sentir des odeurs. À lui rappeler des souvenirs.

Chopin se faisait suppliant à mesure qu'elle approchait de la pension. Et devenait insupportable dans la voiture. Tant il pleurait en s’agitant dans tous les sens. Impossible de le retenir dans ces moments-là.

Si je me réincarne dans une autre vie, j’imagine facilement que je pourrais être un chien.